29 Dec
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A l’occasion du dernier conseil d’agglomération, mais également régulièrement sur les réseaux sociaux ces dernières semaines, certains s’inquiètent d’une urbanisation du Semnoz. Pourquoi ? En raison du vote du schéma directeur de l’eau qui comprend la réalisation d’une conduite d’eau potable pour alimenter les alpages du Semnoz et les restaurants existants. On peut légitimement s'interroger sur l'opportunité d'avoir annoncé la création de cette conduite d'eau au Semnoz lors d'une conférence organisée avec le département sur place pour annoncer un grand plan "ski de fond". Cette communication a été désastreuse et a participé à semer le doute alors que les deux sujets sont totalement dissociés.

Parler du Semnoz éveille les passions et les fantasmes, tant ce territoire particulier fait partie du patrimoine partagé des Annéciennes et Annéciens. Nous y avons grandi, découvert ou fait découvrir la montagne à nos enfants et parfois nos petits enfants. Nous sommes pleinement engagés pour la préservation de cet espace.

Plutôt que d’éveiller ces passions enfouies en chacun d’entre-nous, penchons-nous, une fois de plus, sur les faits.  

0,7% des investissements en 2023

Le budget 2023 voté mi-décembre inscrit près de 15 millions d'euros d'investissement en matière d'eau potable dont 2,5 millions d'euros pour remplacer les systèmes de filtration de l'eau par exemple. Sur ces 15 millions d'euros, il est inscrit une enveloppe d'études de 100 000 euros (soit 0,7% du montant global d'investissement !) pour l'alimentation en eau du Semnoz. Ces investissements n’amputent pas les capacités d’investissement du Grand Annecy, puisque le budget de l’eau est un budget annexe, indépendant du budget principal : l’eau paye l’eau.

Au total, le coût d’investissement de la conduite qui montera l’eau du lac au Semnoz en passant par Leschaux est estimé à 2,5 millions d’euros financé à 30% par le conseil départemental de la Haute Savoie soit un “reste à charge” pour l’agglo de 1 800 000 euros. Le vote de l’agglo avait pour seul objectif de bénéficier de l’aide du Conseil Départemental sur ce sujet.

En ce qui concerne les coûts de fonctionnement (en particulier le coût en électricité des pompes pour "envoyer" l’eau au Semnoz), celui-ci n’est pas connu en détail. Cependant chaque année ce sont plus de 12 millions de mètres cubes d’eau qui sont pompés dans le lac pour l’ensemble de la population de notre territoire. Pour le Semnoz, on parle de quelques centaines de mètres cubes au maximum, d’ailleurs facturés (ce qui n’était pas le cas actuellement) aux usagers. Le surcoût de fonctionnement est donc négligeable

© Gilles Piel/Le Plateau du Semnoz

Est-il vraiment possible de construire ?

Techniquement, construire en station est tout à fait possible, on le voit dans de nombreux massifs, et notre dernier article sur la consommation foncière en témoigne : l’étalement urbain par habitant est d’ailleurs bien plus important en station que dans nos plaines et nos espaces déjà urbanisés. Les projets d’aménagements structurants, tels que de nouvelles remontées mécaniques ou complexes hôteliers sont cependant strictement définis par le SCoT (à travers les unités touristiques nouvelles). Techniquement, il est donc possible, par l’identification de ces nouveaux projets dans ce document d’urbanisme, d’en programmer la réalisation sous réserve de toutes les autorisations environnementales nécessaires en fonction de la situation.

Cependant, le Semnoz se trouve au sein du Parc Naturel Régional du massif des Bauges : parc naturel avec une charte extrêmement restrictive, qui s’impose à nos documents d’urbanisme locaux.

“La charte d'un parc naturel régional s'impose, dans un rapport de comptabilité, aux schémas de cohérence territoriale, schémas de secteurs, plans locaux d'urbanisme et documents d'urbanisme en tenant lieu ainsi qu'aux cartes communales (article L. 333-1-V du code de l'environnement). Lorsque la charte du parc est adoptée après l'approbation de ces documents, ceux-ci doivent, le cas échéant, être rendus compatibles avec la charte dans un délai maximum de trois ans.” Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée dans le JO Sénat du 14/12/2017.

En plus de cette charte restrictive, nos documents d’urbanisme actuels sanctuarisent déjà le Semnoz, à travers les PLU de Viuz-la-Chiesaz, Leschaux, Annecy et Gruffy, qui n’identifient que les constructions existantes parmi le zonage qui couvre toute la zone et qui en garantie la seule exploitation par les alpages.

Concernant les évolutions à venir, à travers la révision de ces différents documents, les nouvelles orientations prises par le législateur posent de sérieuses contraintes pour nos collectivités. Le “zéro artificialisation nette” (ZAN) par exemple nous impose d’intégrer dans nos documents d’urbanisme, un suivi rigoureux de la consommation foncière et donc, des nouvelles constructions. 

En l'occurrence, il est farfelu de croire qu’il sera possible, à l’avenir de construire sur le plateau du Semnoz (où les réseaux ne sont pas dimensionnés pour une urbanisation, quoi qu’il arrive) alors qu’il sera bientôt très compliqué de s’étendre sur des terrains peu remarquables.

“La révision actuellement en cours du SCoT du bassin annécien n’envisage absolument pas la création d’UTN (unités touristiques nouvelles) sur le Semnoz. Les élus sont tous bien conscients de l’intérêt de préserver le Semnoz tel qu’il est, pour son accessibilité qui lui donne une dimension sociale, mais aussi pour la dimension touristique et patrimoniale de ses alpages qui fondent son attractivité. Ce n’est pas pour autant qu’il ne faut rien faire pour améliorer le bilan carbone des activités qui s’y tiennent ou l’impact qu’entraîne la montée de milliers de voitures en week-end. Le Grand Annecy y réfléchit depuis un certain temps et a déjà mis certaines mesures en place.” Antoine GRANGE, vice-président du SCoT du bassin annécien.

Ainsi la loi Climat et Résilience (qui inclut l’aspect ZAN), la charte du Parc, le Schéma départemental des Espaces Naturels sensibles, le SCoT, les PLU des communes sont tous unanimes pour interdire toute extension de construction sur le Semnoz. C'est là des protections nombreuses qui éloignent largement le risque de bétonisation. Certes, tout peut toujours être changé, on peut nourrir des peurs irrationnelles en agitant des chiffons "verts". Mais la réalité est différente : ce combat est soit une diversion politique pour masquer l'inaction de nos élus majoritaires sur d'autres politiques écologiques pourtant bien plus prégnantes ; soit la marque d'une méconnaissance de ce dossier et de la réglementation urbanistique. Le mouvement Les Annéciens qui a œuvré à prévenir tout risque d'urbanisation sur le Semnoz préfère se concentrer sur les vrais problèmes écologiques en proposant des solutions.

Maintenir le pastoralisme

Sans animaux pour paître les alpages, ceux-ci vont rapidement se recouvrir de forêt, bannissant ainsi toute une faune et une flore alpestre. Sans compter les impacts sur le paysage et les activités "nature" qui pourront y être pratiquées. L'Homme depuis le néolithique a façonné le paysage. C'est lui (en particulier les moines) qui au Moyen-Age a largement déforesté (n'existait-il pas un monastère à Sainte Catherine ?). Aujourd'hui, en France, la forêt avance. Recouvrir le Semnoz de forêt à cause de l'absence de pâtures serait une erreur.

La fabrication de fromages sur le plateau nécessite une qualité d'eau irréprochable. L'eau montée en camion est régulièrement inconciliable avec cette activité comme l'a encore rappelé très récemment l'ARS. Le seul moyen de maintenir un pastoralisme au Semnoz consiste à garantir une fabrication de fromages sur place avec de l'eau de qualité. La seule possibilité à moyen et long terme de garantir cette qualité est d'alimenter les alpages en eau du lac.

N’oublions pas que cette canalisation aura également deux fonctions complémentaires : sécuriser l’approvisionnement en eau du village de Leschaux et permettre la mise en place d’un dispositif de protection des feux de forêts. On connaît les dégâts sur l’environnement d’un incendie de grande ampleur…

Skier de décembre à mars ?

On mesure déjà aujourd’hui l’absurdité de l’installation des canons à neige au Semnoz. Ceux-ci ne peuvent fonctionner qu’à une température basse, or aujourd’hui, le réchauffement climatique fait qu’il ne fait plus assez froid au Semnoz pour garantir un minimum d’enneigement, malgré les canons à neige qui fonctionnent d’ailleurs peu pour cette raison, alimentés par la retenue collinaire. C’est la raison pour laquelle nos élus lors des mandats précédents, avaient voté contre l’installation de canons à neige, mais aussi contre l’installation du Télémix. Nous considérons toujours que ces investissements sont déraisonnables pour une petite station de basse altitude comme celle-ci.

Retenue collinaire du Semnoz

Pour autant, devons-nous sanctuariser ce lieu ? Nous priver du Semnoz sous prétexte que quelques décideurs politiques d’un autre temps souhaitaient en abuser ? La montagne fait partie de notre ADN de haut-savoyard. Pour la protéger, il faut la connaître, dès le plus jeune âge. Que ce soit à ski si c’est possible, en luge ou à pied. Sinon, comment lutter contre le réchauffement climatique quand tout ce qu’il nous reste de commun nous sera interdit ?

La transition de la station du Semnoz doit nous conduire à accepter le fait que le ski alpin ou nordique ne sera plus possible en continu de décembre à mars. 

Le mouvement Les Annéciens

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