La loi d’orientation des mobilités (dite loi LOM) votée en 2019 prévoit la création progressive de Zones à faibles émissions (ZFE) d’abord dans les métropoles puis dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants. Annecy sera donc concernée au 1er janvier 2025.
Les ZFE consiste à exclure d’un périmètre défini (qui dixit doit englober “une majorité de la population”) les véhicules les plus polluants. Pour Annecy, cela devrait concerner les véhicules avec vignettes Crit'Air 3, 4 et 5.
Si l'intention (améliorer la qualité de l’air en ville) semble louable, elle repose en réalité sur une idéologie qui ressemble plus au greenwashing macroniste et écologiste qu’à une mesure réellement efficace, y compris écologiquement.
1) Les voitures polluantes ne sont pas détruites, elles changent de lieu.
On fait comme si en interdisant les voitures polluantes, elles allaient être retirées de la circulation et envoyées à la casse. C’est faux. Ces voitures sont soit revendues sur le marché de l’occasion à des acquéreurs qui n’habitent pas ou ne travaillent pas en ZFE, soit revendues à des marchands qui se chargent de les revendre en Europe centrale ou en Afrique. Bref, d’une manière ou d’une autre, ces voitures restent en circulation encore un bon moment. Or, il paraît que l’atmosphère ne connaît pas de frontières et que nous respirons tous le même air… Quant à l’impact sur l’émission de gaz à effets de serre : il est nul. On se donne juste bonne conscience (écolo) en envoyant nos poubelles polluer ailleurs.
2) Construire une voiture “propre” est… très polluant.
Bien sûr, surtout à Annecy où les transports en commun et notamment le BHNS (bus à haut niveau de service) ne sont encore que largement sous-développés, les habitants obligés de revendre leurs vieilles voitures vont en acheter de nouvelles… qui auront émis énormément de CO2 et gaspillé de nombreuses matières premières pour être fabriquées. Mais là encore, les usines et les mines et autres gisements ne se trouvant plus beaucoup en Europe ce sont les pays pauvres qui trinquent. Les ZFE sont d’abord une immense aubaine pour les constructeurs automobiles et pour les industriels de cette filière. Il y avait bien la pub, puis le contrôle technique pour inciter à changer de voitures, mais cela ne suffit visiblement plus. On passe à l’étape d’après : l’interdiction de circuler ! Et pas pour des raisons de sécurité mais d’écologie…
1) Les pauvres : premières victimes de la ZFE
Toutes les études le montrent, les véhicules crit’air 4 et 5 sont souvent détenus par des familles aux faibles revenus qui ne peuvent pas changer de voiture. Vous savez, il s’agit de l’aide à domicile qui fait 15 km par jour pour aller au boulot, ou l’étudiant qui a racheté la voiture de papy. Mettre en place une ZFE c’est donc interdire l’accès à la ville pour une partie de la population… et les culpabiliser d’être pauvres. C’est une immense ségrégation sociale qui repose sur du vent. D’abord ces familles n’auront pas les moyens de changer de voitures malgré les aides (ridicules) proposées par l’Etat. Ensuite il y a une aberration à interdire à l’agriculteur avec sa vieille voiture (Crit'Air 4) de venir à Annecy 3 fois par semaine en faisant ses 25 km aller-retour (150 km dans la semaine) et autoriser le cadre dynamique de la filière outdoor à partir tous les week-ends dans le sud avec son SUV hybride rechargeable (classé Crit'Air 1) en faisant ses 600 km aller-retour.
2) Les artisans et TPE : secondes victimes des ZFE
Les véhicules utilitaires sont nécessaires à certaines professions (plombiers, électriciens, plaquistes…). Ces entreprises sortent pour nombre d’entre elles d’années compliquées. Elles gardent leur utilitaire vieux de plusieurs années non par choix ou envie, mais parce qu’en changer coûterait très cher (si encore les délais de livraison ne s’étalent pas sur des mois et des mois…).
3) La ségrégation ville/campagne
Instaurer une ZFE sur une partie de l’agglomération du Grand Annecy c’est paradoxalement envoyer le message que certains habitants auraient droit à un air pur (même si on a vu que c’était faux), alors que les autres, vivant en périphérie, pourraient continuer à respirer les gaz d’échappement remplis de microparticules. C’est en tout cas isoler encore un peu plus les populations périurbaines et rurales de l’urbain. A terme cela créera un vrai décalage, d’autant plus que nous n’avons ni les parkings-relais ni les infrastructures de transports en commun adéquates pour offrir une alternative à la voiture dans l'immédiat.
4) Les aides publiques : un gouffre sans fonds au profit des industriels automobiles
On nous dit : pour limiter la casse sociale, il va falloir mettre en place des aides à la conversion pour aider les pauvres à changer de voitures. Sur le Grand Annecy, les Crit'Air 4 et 5 représentent près de 25% du parc automobile… soit des milliers de voitures demain interdites de circulation dans la ZFE. Si l’on devait accompagner chaque propriétaire, cela coûterait des dizaines de millions d’euros aux collectivités locales. Car une prime de 1 000 € pour des véhicules qui neufs coûtent plus 20 000 € c’est ridicule. Les aides à la conversion seront un gouffre financier pour une Agglomération comme la nôtre qui doit concentrer ses moyens à la mise en place de transports en commun efficaces et non pas subventionner les constructeurs automobiles. On nous rétorquera que les véhicules d’occasion peuvent aussi être aidés. C’est vrai. Mais le marché de l’occasion en 2 ans a pris (selon le syndicat des constructeurs) plus de 20% de hausse. En cause : la raréfaction des véhicules neufs (liées aux pénuries de composants), la paupérisation d’une partie des classes moyennes (qui avant auraient acheté neuf et qui aujourd’hui se tournent vers l’occasion) et les réglementations de plus en plus draconiennes (comme les ZFE) qui boostent ce marché.
En conclusion, autant nous pouvons comprendre et encourager les lois amenant à la fin de la construction des véhicules thermiques à un horizon raisonnable, autant ces ZFE sont des artifices et de formidables opportunités de business sur fond de greenwashing qui laissent de nouveau sur la touche les plus fragiles et les plus pauvres.
Oui mais c’est la loi… Et bien si c’est la loi, laissons à l’Etat le soin d’assumer ses décisions et de s’occuper de ce problème. Il faut parfois avoir le courage de rejeter des lois injustes et inappropriées. Le Préfet se chargera de définir le périmètre et les niveaux Crit'Air qui feront l'objet de restriction, et ira expliquer tout cela aux habitants.
Il ira aussi expliquer pourquoi l’aérodrome d’Annecy, site le plus polluant de Haute Savoie, n’est pas dans la ZFE permettant ainsi à quelques-uns de s’envoyer en l’air pour s’amuser. Et pourquoi l’autoroute n’est pas non plus dans la ZFE, elle qui génère une pollution bien plus importante que de nombreuses rues annéciennes…
Nous voterons la création d’une ZFE, le jour où l’aérodrome sera fermé et l’autoroute sujette aux mêmes restrictions. D’ici là on ne voit pas pourquoi on empêcherait les pauvres de venir travailler avec les vieilles voitures à Annecy tout en regardant les CSP+ polluer l’atmosphère avec leurs coucous et les Genevois nous laisser leur pollution en rentrant de leur week-end dans le Luberon. L’écologie mérite une vision globale, cohérente pour être efficace et non des artifices inutiles qui garantissent toujours de ne jamais emmerder sa propre clientèle électorale bobo… qui pourtant est celle avec le pire des bilans carbone !
Le mouvement Les Annéciens