23 May
23May

Quel territoire voulons-nous demain ?

C’est à cette question qu’un PADD (projet d'aménagement et de développement durable), deuxième étape de l'élaboration d'un PLUi (plan local d'urbanisme intercommunal), nous invite à répondre par la planification.

Malgré la propension des équipes candidates aux élections municipales à brandir des slogans politiques qui peuvent se résumer à “stop béton”, depuis 2020, force est de constater que… ça pédale dans la semoule. Toutes et tous, nous entendons les mêmes commentaires de la part des habitants : la surchauffe d’un territoire qui ne voit pas la fin de son développement, nombreux sont ceux qui ressentent une dégradation de notre cadre de vie, et il ne faut pas se leurrer : c’est vrai !

C’est le fruit de décennies d’attentisme, d’un libre marché assumé, et d’un manque de vision politique qui nous a notamment menés à grignoter nos derniers espaces naturels en cœur de ville, à continuer d’étendre des zones d’activités sur les terres les plus fertiles de l’agglomération, et à accueillir n’importe comment, sans se soucier des habitants qui souffraient déjà d’un manque d’équipements publics et d’infrastructures.

DEPUIS 2020, LES DOCUMENTS D’URBANISME SONT ENTRÉS EN RÉVISION

Cette révision avec l’intégration de nouvelles orientations, est une attente majeure des habitants qui ont vu ces dernières années leur territoire se transformer. Transformation qui pose aujourd’hui question face aux enjeux de la transition écologique. Nous en avons l’occasion, il faut changer de modèle.

CHANGER OUI, MAIS AVEC RÉALISME

Aujourd’hui, nous avons l’impression d’être consultés sur des orientations très générales qui ont souvent changé. Sans vision partagée entre la Présidente du Grand Annecy et le Maire d’Annecy, notre PLUi-HMB (habitat, mobilités, bioclimatique) ou encore notre SCoT (schéma de cohérence territoriale) sont victimes dans leur élaboration des sauts d’humeur des uns et des autres et de la volonté, toujours plus destructrice, de vendre des slogans politiques plutôt que de travailler sérieusement à l’avenir du territoire en discutant sur les leviers à notre disposition, dans l’ignorance de l'existence de nos voisins (communautés de communes du pays de Cruseilles, Fier et Usses, Rumilly Terre de Savoie, sources du lac d’Annecy).

La planification, pour produire les effets escomptés, doit être réaliste et sincère. Sommes-nous maîtres, en tant que citoyens et élus locaux, de jouer aux douaniers aux frontières du bassin annécien ? Depuis quand décréter un taux de croissance démographique, par exemple, relève d’un objectif politique de planification ? Cette attitude qui vise à concevoir l’aménagement du territoire comme un vase clos, laissant croire que les élus locaux ont un pouvoir sur tout, est une fuite en avant qui poursuit et aggrave les vrais enjeux, faute de les anticiper. Elle crée aussi de l’incompréhension chez les habitants qui constatent l’absence de vision de leurs élus, qui conduit à l'inaction.

Il est utile de rappeler qu’en matière d’aménagement, une collectivité est soumise à de nombreuses obligations et de multiples phénomènes exogènes : le cadre juridique national (et l'absence de planification à cette échelle), ainsi que les politiques des autres collectivités territoriales : le Département, la Région, les communautés de communes voisines. Ces éléments sont à prendre en compte, car ils peuvent contrevenir aux souhaits des élus locaux. Pour autant, les élus locaux peuvent et doivent agir, ils peuvent le faire en s’appuyant sur leurs prérogatives et leur influence auprès des autres échelons de décision. C’est ce contexte qu’il faut avoir à l’esprit. L’objectif est donc le suivant : trouver des marges de manœuvre pour répondre aux exigences de sobriété et répondre aux besoins prioritaires du territoire.

1) Listons les impondérables

  • Arrêter de construire là où la disponibilité des ressources naturelles ne le permet plus. Priorisons la pérennité des ressources naturelles. 
  • A moins que nous ne souhaitions fermer des entreprises, bars et restaurants d’Annecy, ainsi que nos services publics, nous devons loger leurs travailleurs, souvent modestes et non de les reléguer à des dizaines de kilomètres de leur lieu de travail, les obligeant à engorger les routes, nous forçant à en construire de nouvelles. Pour celà, il faut réguler, encadrer les loyers et construire seulement ce dont nous avons besoin, en réservant ces logements pour ces travailleurs.
  • Stopper l’urbanisation sur les zones humides et les corridors écologiques du territoire. Ce sont des puits à eau et de carbone indispensables à la lutte contre le réchauffement climatique dans une région où celui-ci va deux fois plus vite qu’ailleurs.
  • Sanctuariser nos terres agricoles et intensifier nos zones d’activités économiques, pour maintenir un tissu productif local et limiter les émissions liées au transport. Il faut également s’interroger sur la nature écologique des modes de production agricole : utilisation de pesticides, consommation d’eau, nature des productions, préservation du paysage et de la biodiversité.

2) Évaluons les marges de manœuvre

Cette liste non-exhaustive d’impondérables doit ensuite faire l’objet d’une étude par secteur, recensant les potentialités et les limites qui, une fois synthétisées et assemblées, donnent les potentiels du territoire et permettent d’envisager la planification.

Ce sont sur ces potentialités que nous pourrons juger du réalisme d’objectifs globaux, d’un taux de croissance démographique, d’un nombre de logements autorisés à la construction, des secteurs à sauvegarder ou à transformer.

Vous l’aurez compris, la méthode d’élaboration qui a guidé ce PADD, ne nous a pas satisfaits.

NOTRE AVIS SUR LE FOND

Nos remarques résonnent avec celles formulées par les membres de l’espace citoyen du Grand Annecy, que nous remercions de s’être emparés du sujet, et pour leur analyse d’une très grande justesse.

  • Le changement de modèle évoqué n’est presque pas alimenté par des chiffres, des faits, des indicateurs. Une liste de bonnes intentions n’est pas une base de travail pour un document de planification stratégique. C’est d’abord une réalité, des faits, dont on présente objectivement les marges de manœuvres à partir desquels il faut formuler des choix politiques.
  • Le changement de modèle évoqué ne parle pas de solidarité territoriale entre tous les acteurs. Nous redoutons que l’élaboration de ce PLUiHMB ait été trop souvent guidée par les slogans de la campagne municipale “stop béton”, oubliant ainsi toute la diversité de notre population qui, si elle manifeste un franc mécontentement sur l'urbanisation de ces dernières années, est aussi consciente du besoin de loger nos travailleurs les moins riches, tous ceux sans qui rien ne tournerait, ces “travailleurs essentiels” applaudi lors du Covid, mais ici, oubliés. 10 000 foyers demandeurs d’un logement social sur notre agglomération ! Vous voyez, le “territoire apaisé” ne se décrète pas grâce à un taux de croissance démographique.

Le PADD doit être plus attentif aux publics vulnérables et favoriser la mixité sociale :

  • En allant au delà de 30% de logements sociaux dans les nouvelles opérations
    • Cela passe par une maîtrise foncière par la collectivité, la mobilisation d’outils comme la Foncière de Haute-Savoie par exemple, pour ne pas nous retrouver avec des appartements qui dépassent les 10 000€ par mètre carré, comme c’est le cas dans l’opération de renouvellement urbain sur l’ancien site d’NTN SNR derrière la gare.
  • En favorisant les transports en commun, car ils sont vecteurs d’intégration à la vie de la ville, parfois excluante, particulièrement chez nous, à cause du coût de la vie

Le PADD doit cependant fixer des règles strictes pour atteindre la neutralité carbone :

  • Des nouvelles constructions répondant à des exigences de qualité environnementale à travers le choix des matériaux et également d’une proximité avec les services publics ;
  • Plutôt qu’une Zone à Faible Émission, que nous baptisons, pour notre part, Zone à Forte Exclusion, nous proposons l'atténuation de la circulation en centre ville par des piétonnisations et l’interdiction du transit en hyper-centre, privilégiant de nouveaux itinéraires de circulation plus adaptés, libérant de l’espace pour la circulation des modes doux et des transports en commun, à moindres frais ;
  • Limiter et rationaliser le nombre d'événements qui drainent des visiteurs d’un jour, des séjours touristiques de courte durée (Airbnb), et bien sûr, de la pollution et de la surfréquentation sur le Pâquier, à titre d’exemple.
  • Plutôt que la recherche de la compétitivité économique et de la métropolisation, cherchons à valoriser nos filières locales. Répondons aux besoins de nos entreprises, avant de les faire partir car nous ne leur apportons pas de réponse. Pour finalement en accueillir de nouvelles, créant un turn over bien plus néfaste pour notre environnement et notre société.

Mais également, engageons des solutions concrètes pour préserver nos terres agricoles : 

  • Construisons sur l’existant, intensifions intelligemment l’usage de l’espace, tous les urbanistes le prescrivent : cessons de créer des lieux qui ne vivent qu’une partie de la journée, favorisons la mixité d’activités ;
  • Stoppons la consommation d’espaces agricoles pour maintenir notre capacité de production et permettre sa diversification.

Pour conclure et reprendre la formule de l’espace citoyen : "il faut passer de ce catalogue de bonnes intentions à un projet partagé par tous". Aujourd’hui, nous appelons de nos vœux à ce que soient traduits concrètement dans la mise en œuvre de ce projet d’aménagement et de développement durable les points d’attention que nous avons portés à votre connaissance. Nous continuerons de les défendre dans les instances dans lesquelles nous siégeons dans l'intérêt des Annéciennes et des Annéciens et de l'ensemble des habitants de notre Agglomération.

Les élus Les Annéciens

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