06 May
06May

A Annecy, le laisser-faire des quinze dernières années en matière d’aménagement et de construction sur le territoire a dégradé la qualité de notre environnement annécien. Les élections municipales en ont fait un sujet politique majeur. Chacun parlait alors de "bétonisation à outrance”. Face à ces discours et enjeux, nous avons toujours œuvré à proposer des solutions pragmatiques et réalistes face à une problématique complexe qui doit répondre à plusieurs exigences pour qu’Annecy demeure une ville accueillante, un territoire où l’on peut vivre et se projeter, envisager d’y étudier, d’y fonder une famille et d’y vieillir sereinement.

Nous sommes aujourd’hui très loin du compte en matière d’accessibilité et de réponse aux besoins de nos concitoyens : 

  • 8500 personnes sont en attente d’un logement aidé
  • Annecy est devenue en 2022 la deuxième ville la plus chère de France pour le logement après Paris et avant Lyon
  • Aucun projet structurant n’a été mis en œuvre ces dernières années pour résorber la saturation automobile dont est victime le bassin annécien
  • Les exigences écologiques nationales de plus en plus ambitieuses chaque année contraignent fortement le marché immobilier et augmentent les coûts de construction par ailleurs déjà fortement impactés par le renchérissement des matériaux et les difficultés sur les chaînes d’approvisionnement
  • Le prix du foncier est en très forte augmentation sur tout le territoire de la Haute-Savoie, particulièrement sur les agglomérations où se concentrent l’essentiel des besoins en logements

Ces problématiques, nous les avions déjà identifiées en 2020, et la liste “Les Annéciens” avait d’ailleurs à l’époque proposé un programme de transition ambitieux pour concilier au mieux tous ces impératifs.

Depuis, la nouvelle majorité prétend avoir trouvé la solution à ces problématiques : l’élaboration d’une "charte du bien construire", connue désormais sous le nom de “référentiel bien construire à Annecy”

Rappelons que c’est sur la justification de l’élaboration de ce référentiel que de nombreux permis de construire ont été revus et refusés par la majorité depuis 2 ans. Nous avons dès le début du mandat fait part de notre profonde inquiétude sur le respect des objectifs du plan local de l’habitat qui prévoit, pour la ville-centre, la production de 1000 logements par an. Deux ans après, en plus de voir que nous atteignons péniblement 400 logements supplémentaires par an en 2020 et 2021, nous avons constaté que le nombre de contentieux devant les tribunaux administratifs a très fortement augmenté et que l’enveloppe financière dédiée aux litiges par la collectivité a doublé dans le dernier budget. Autant dire que la majorité s'apprête à perdre ces contentieux, et à ce qu’ils coûtent beaucoup d’argent au contribuable. Elle ne peut d’ailleurs que s'attendre à perdre ces contentieux, car elle est revenue sur ces permis sur la considération de principes issus de ce référentiel, qui n’ont aucun fondement juridique contraignant et qui ne sont même pas consultables, donc inopposables aux tiers, comme l’a souvent rappelé Antoine Grange en conseil municipal depuis deux ans.

Denis Duperthuy et Antoine Grange, élus du groupe “Les Annéciens”, ont assisté ce 3 mai à ce qui devait être la “soirée de restitution du référentiel bien construire à Annecy”. L’opération de communication ne faisait guère illusion, puisque la présentation du référentiel n’a été l’objet de l’attention des invités que pendant 5 petites minutes seulement à la fin de “l’événement”. Cette présentation a été copieusement habillée par une table ronde et la présentation d’un clip promotionnel de la démarche “Annecy 2050” (démarche qui consiste en un dialogue compétitif entre trois candidats différents, exposant chacun leur vision prospective d’Annecy et son agglomération).

Cette opération de communication, soigneusement organisée et dont le coût, même approximatif, est inconnu, dissimule assez mal ce que nous craignons pour le territoire.


C’est une diversion

Ce référentiel s'attache à décrire les préconisations de ce que serait un “bien construire” : à la fois sur les aspects de dialogue entre la collectivité, les opérateurs et les citoyens, mais aussi de manière technique, ce qui serait considéré comme une “bonne construction” à Annecy. 

Or, à la lecture de la réalité de notre territoire telle que décrite plus haut, on peut légitimement s'interroger : la "qualité" du logement est-elle la question prioritaire au point d’en éclipser complètement la question de la quantité ? Parler de qualité n'est ce pas là une diversion qui fait passer à côté de l'enjeu principal : celui de construire pour que nos habitants puissent encore vivre ici ?

C’est une usurpation

La compétence de l’aménagement du territoire et de l’habitat est une compétence d’agglomération, pas une compétence de la commune (dont le seul ressort est l’instruction des permis et leur respect des règles du PLU intercommunal). Par ce travail, bien qu’il soit très intéressant, la Ville d’Annecy, par la méthode employée, court-circuite ses partenaires qui ont aussi leur mot à dire, et qui, surtout, ont engagé la révision du plan local d’urbanisme (habitat, mobilités, bioclimatique) intercommunal ! La Ville d’Annecy aurait dû proposer d’inscrire ce travail dans la révision du PLUIHMB comme une contribution au débat. Faire cavalier seul sur ce point fait croire que ce « bien construire » modifie les règles à grand coup de communication. Cela risque d’accentuer certaines problématiques tant que ces préconisations ne sont pas coercitives, et faire la promotion d’un immobilier de luxe qui peut financièrement se permettre de respecter toutes les préconisations, et donc de le répercuter sur le prix final. Seule une révision du PLU, dans un esprit de dialogue et de concertation au sein de l'agglomération, amènera les outils coercitifs nécessaires à un urbanisme plus respectueux des habitants et de la nature. 

C’est un “renouveau démocratique” profondément antidémocratique

Certains des acteurs directement censés être concernés par ce référentiel ont eu accès à celui-ci début janvier, d’autres plus tôt, d’autres en mars, d’autre le jour de cette présentation, comme c’est le cas des élus d’ailleurs, y compris ceux qui sont pourtant membres de la commission urbanisme, dont ont aurait pu penser qu’ils auraient été consultés en amont.

La démocratie commence par la transparence de la soi-disant règle et l’égalité des citoyens devant l’accès à celle-ci. Ni l’un ni l’autre n’est garanti ici. C’est au contraire une asymétrie de l’information assumée qui est organisée.

De la cosmétique mais toujours pas de vision

2 ans après le début du mandat, la seule chose dont on peut être sûrs, c’est qu’au sein de la majorité, rien n’est clair. Aucune espèce de vision de l’aménagement du territoire (les « 3 fontaines » ?… Toujours rien). Alors que tout au long de la soirée les acteurs du milieu de l’aménagement et de la construction n’ont cessé d'asséner qu’ils étaient “en attente” d’une ligne claire et définie. Les candidats de Réveillons Annecy disaient qu’il fallait arrêter le béton il y a deux ans. Elus, ils disent désormais qu’il faut densifier. Demain changeront-il encore une fois d’avis ?

Ce sont 2 ans de perdus dont les premières victimes sont les entreprises qui participent à cet aménagement du territoire, et surtout les habitants qui n’arrivent pas ou plus à se loger à Annecy et vont vivre toujours plus loin à la faveur d’une offre de logements plus accessibles financièrement. Une politique anti-écologique et anti-sociale. La mixité sociale et économique que nous défendons au quotidien n’est décidément pas la priorité aux yeux de François Astorg

Ce trompe-l'œil que constitue le référentiel du “bien construire” dissimule finalement assez mal l’accentuation des déséquilibres de marché perpétuée par ceux-là même qui pensent œuvrer pour les résorber. Pire, par son aspect non coercitif, ce référentiel va organiser la labellisation de logements soi-disant “qualitatifs”, dont on peut anticiper qu'ils seront vendus plus chers, et les autres opérations qui, après un parcours judiciaire long et couteux pour les finances publiques, verront le jour dans un temps inacceptable au regard des enjeux actuels.

Un remède pire que mal, non pas sur le fond des thématiques qu'il soulève et des solutions qu'il avance, mais par la méthode mise en œuvre de chercher à imposer ce référentiel dès à présent, en dehors de la temporalité actuellement déployée autour du PLUi. La majorité confond vitesse et précipitation.

En conclusion, nous contestons l'usage qui est fait de cette charte (dont nous redisons que son contenu possède de nombreux éléments intéressants). Elle devient un référentiel dont la maire-adjointe a reconnu qu'il servira à valider ou invalider les permis déposés (alors qu'une charte n'a pas ce poids juridique). Au lieu de quoi, ce travail intéressant devrait avoir pour finalités :  

1) d'être la contribution légitime de la ville aux débats actuels au sein de l'agglomération sur l'élaboration du PLUi ;

2) dans l'attente de la validation de ce PLUi, d'être présenté comme une base de dialogue, dans le cadre d'un urbanisme concerté avec les acteurs de la construction, pour améliorer les projets présentés et les permis déposés, dans le cadre d'une expérimentation (sans aspect de validation ou refus) permettant elle même un retour d'expérience au moment de la validation du PLUi. 

Le mouvement Les Annéciens

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