31 Aug
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L’Agglomération du Grand Annecy a mis en place cet été une expérimentation de la mise en gratuité du réseau de transport en commun. Cette opération s’inscrit dans la continuité de la mise en gratuité des “lignes des plages”, sur les bords du lac, pendant l’été 2021. Plus globalement, rappelons que le Grand Annecy a planifié 300 millions d’euros sur le mandat pour la restructuration et l’amélioration de son réseau de transport en commun, aujourd’hui sous dimensionné et peu efficace. Cette restructuration s’inscrit elle-même dans les objectifs que se fixe le Grand Annecy pour diminuer la pollution et la saturation du trafic automobile. 

Le mouvement et les élus Les Annéciens portent dans leur programme depuis le début, la rénovation et l’amélioration de ce réseau. Nous nous réjouissons que ces investissements aient enfin été votés. Cependant, et comme nous l’avions exposé l’année dernière concernant la mise en gratuité des lignes des plages, nous nous inquiétons de la temporalité dans laquelle s’inscrivent ces expérimentations, en plus de douter sérieusement de leur efficacité.

Un calendrier qui questionne le bien fondé des décisions prises

Les investissements majeurs qui ont été votés et qui vont justifier une hausse de la fiscalité sur le Grand Annecy se justifient par le constat que le réseau de transport en commun actuel est obsolète, du fait de dizaines d’années d’un sous-investissement chronique. Nous insistons sur le fait que ces investissements majeurs nécessitent de grands efforts budgétaires, alors que le Grand Annecy doit assurer de nombreux autres engagements en faveur de la bifurcation écologique qu’opère notre territoire. Quel est l’intérêt de proposer une expérimentation de mise en gratuité d’un réseau obsolète, seulement en période touristique estivale (juillet et août), qui va coûter à la collectivité plus de 700 000 euros ?*

Revenons sur quelques arguments qui ont été présentés :

“L’objectif est de créer un choc d’offre, de faire en sorte que les personnes qui ne le prennent jamais, se mettent à changer leurs habitudes et préférer le bus sur le long terme.”

Comment créer un choc d’offre, alors que le réseau reste le même ? Bus coincés dans les bouchons, vitesse commerciale ralentie du fait de l’augmentation des profils de piétons qui prennent le bus pour seulement un, deux ou trois arrêts, matériels non-climatisés, fréquences parfois améliorées, souvent similaires, voire diminuées en fonction des lignes pour les vacances.

Dans un article de Libération du 7 juin 2022, une conseillère municipale de Montpellier (Alenka Doulain, conseillère municipale d’opposition et fer de lance du mouvement municipaliste Nous Sommes) s’exprimait sur le sujet. “Quant à la gratuité, elle constitue, selon cette opposante municipale, une fausse solution : « Pour les Montpelliérains, la vraie question est de savoir s’ils peuvent se passer de voiture pour aller travailler. La réponse est souvent non, d’autant que les classes populaires ont été repoussées loin du centre-ville. » Illustration avec Monique, 66 ans : « Mon  budget est extrêmement serré et j’ai droit à la gratuité. Pourtant, je ne me déplace qu’en voiture, raconte cette femme  de ménage qui réside dans un quartier excentré. Les transports en commun sont trop lents, les parcours trop longs. Alors pour moi le calcul est vite fait. »”

“Payer un ticket est une barrière pour prendre le bus.”

Rappelons que le prix du ticket Sibra est très bon marché : 1,50€ par trajet au maximum, lorsque le ticket est vendu directement à l’entrée du bus par le conducteur, 0,85 € par trajet pour les jeunes, 0,97 € pour les seniors (cartes de 10 trajets). Comme nous l’avions détaillé dans notre programme des élections municipales, le travail essentiel qui permettra de garantir un report modal est l’expérimentation de tarifs d’abonnements compétitifs par rapport à ces trajets uniques. L’objectif n’est pas de prendre le bus pour aller à la plage l’été, mais bien en toutes circonstances ! Nous rappelons notre volonté qu'un tarif social et solidaire (basé en particulier sur le revenu des usagers) soit rapidement mis en place. Nous continuons de penser que l'accent doit être mis en priorité sur la vente d'abonnements annuels peu chers et accessibles au plus grand nombre.

Comble de la mise en place de la gratuité, que nous n’avons pas manqué de souligner dans les débats : elle ne permet pas le remboursement des abonnements annuels souscrits par les usagers quotidiens du réseau de transport en commun. Rappelons que le tarif de ces abonnements annuels est intéressant car celui-ci offre trois mois “gratuits” par rapport à un renouvellement mensuel. Désormais, quel est l’intérêt de prendre un abonnement annuel si est pratiquée régulièrement cette mise en gratuité du réseau ? Paradoxalement, la gratuité en vient à pénaliser les usagers les plus vertueux et réguliers des transports en commun.

Certes, payer un ticket, même faible, est toujours une barrière. Cependant, l’objectif n’est pas que les gens prennent le bus, mais de réduire la place de la voiture, de diminuer les émissions de particules fines et de carbone. Pas de diminuer le nombre de piétons, le nombre de cyclistes, le nombre d’abonnés annuels de la Sibra. Or de nombreux témoignages de conducteurs et d’usagers mettent en avant cette réalité d’un report modal principalement des piétons vers le bus et non de la voiture vers le bus. Nous attendons le bilan de cette expérimentation pour quantifier cette réalité.

Un débat manqué : celui de la gratuité du réseau de transport en commun

Le plus dommage est d’avoir manqué un réel débat sur l’intérêt d’une gratuité du transport en commun. Le mouvement Les Annéciens lui-même ne se positionne pas sur la question, au regard des investissements massifs et urgents à réaliser qui doivent demeurer la priorité. Le faux-débat qui a eu lieu en conseil communautaire était hors-sol, l’expression de préjugés sur un sujet complètement déconnecté du reste des arbitrages et du projet du Grand Annecy en matière de transport en commun. Le risque, évidemment, est d’enterrer pour longtemps le débat de la gratuité du réseau de transport en commun, dont la pertinence mérite discussion et analyse dès lors que seront résolues les faiblesses majeures du réseau.

Le mouvement Les Annéciens

* La perte de recettes liée à la gratuité des mois de juillet et août est estimée à 700 000 € environ. Elle correspond à la non-vente de billets et de quelques abonnements. Les transports en commun coûtent autour de 32 millions d’euros par an en frais de fonctionnement. Sur cette somme, les recettes liées à la vente de titres de transports sont de 6.7 millions d’euros par an soit 21% du coût effectif. Le reste (environ 24 M€) est payé par les entreprises de plus de 11 salariés grâce au versement mobilité (taxe sur la masse salariale). 700 000€ ne correspondent pas à 2/12eme des recettes commerciales car en été peu d’abonnements sont vendus.

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