02 Sep
02Sep

Les élus “Les Annéciens” ont été sollicités par les Amis de la Terre 74 pour donner leur vision des choix à venir sur le transport en commun et les priorités que nous comptions défendre. En parallèle, cette association a produit un communiqué de presse dont nous avons été destinataires et qui a été largement repris par la presse. Voici donc notre position sur ce dossier, et notre réaction à ce communiqué. Nous remercions les associations pour ce débat toujours constructif et respectueux.

Les Amis de la Terre basent leur analyse sur la synthèse de l’étude qui a été présentée de façon confidentielle uniquement aux élus. Les chiffres avancés sont bien évidemment en adéquation avec celles des cabinets d’études, mais ils méritent cependant les points de vigilance suivants.

1- Le mode de calcul du report modal est contestable.

Prévoir en cas de réalisation d’un tram en rive ouest du lac, un report modal de 75% de la voiture vers les transports en commun semble totalement déconnecté de la réalité. Le cabinet d’étude s’est servi de ratios observés entre 5 et 10 ans après la réalisation d’une ligne de tram dans d’autres villes de France.

Or, partout où une nouvelle ligne de tram est créée, elle entraîne logiquement dans son sillage une densification de l’habitat et des constructions le long de son tracé. Il ne s’agit donc pas d’un réel “report modal” mais plus exactement du fait que les nouveaux habitants logés dans les nouveaux logements, qui font suite à la création d’une ligne de tram, achètent justement à proximité du tram pour s’en servir dans leurs déplacements. Ceux qui vivaient là avant le tram ne sont jamais 75% à abandonner la voiture pour le tram ! 

Or, souhaitons-nous une densification massive des constructions sur la rive ouest du lac ? La réponse est évidemment non ! C’est d’ailleurs pour cela qu’aucun maire des communes de cette rive n’est favorable au tram. 

Les calculs de gain de gaz à effet de serre sur cette ligne sont donc totalement faussés. Il est à parier qu’au maximum (à constructions identiques) la part de report modal ne dépasse pas les 20%, limitant d’autant l’impact “positif” sur les gains de gaz à effet de serre. Quand on regarde les chiffres, on a au final presque plus de voyageurs attendus à terme que d’habitants sur cette rive du lac (y compris les variations touristiques) ! Pas très sérieux.

De même, sur quel type de motorisation ont été calculées les émissions de GES concernant le BHNS ? Sur des motorisations diesel. Or, le Grand Annecy mène actuellement une étude pour justement comparer les différentes motorisations (diesel, biogaz, électrique, hydrogène…) avant de faire un choix. C’est en effet dans le domaine du BHNS que les innovations technologiques ont aujourd’hui lieu. La technologie du tram électrique est une très vieille technologie employée depuis 100 ans. Affirmer des chiffres d’émissions de GES pour le BHNS sans connaître la technologie retenue est un biais majeur… surtout lorsqu’il permet d’affirmer ensuite que le tram serait bien plus vertueux !

2 - Le coût d’investissement du tram est mal estimé

L’Agglomération a mandaté deux cabinets d’études pour estimer les coûts de réalisation d’un tram. Si l’étude TTK donne un montant sur cette rive de 14,1 millions d’euros du km, l’étude Systra elle l’estime à 26.2 M€ ! Quasiment du simple au double ! Là encore nous comprenons l’argument disant que la réalisation d’un tram en extra-urbain coûterait moins cher (du fait de la moindre présence d’obstacles types immeubles sur les tracés) qu’en urbain. C’est à moitié vrai et d’ailleurs assez difficile à savoir car aucun projet de tram en extra-urbain n’a été conduit en France depuis très très longtemps. Le tram se construit généralement dans un tissu urbain, ou au sein d'un quartier à aménager. Si le coût de réalisation est effectivement moins cher hors milieu urbain, il faut acquérir plus de foncier. En ville, nous sommes déjà propriétaire de la quasi-intégralité des emprises au sol nécessaires pour la réalisation du tram. Nous avons donc en fonction des situations des coûts fonciers plus élevés d’un côté, des travaux un peu moins chers de l’autre : au final bien malin qui peut dire qu’il coûterait deux fois moins cher de construire un tram sur la rive Ouest qu’en milieu urbain.

3 - Le critère prioritaire des choix ne peut être uniquement la réduction des GES

Si tout le monde s’accorde à dire que nous devons réduire la pollution et encourager tout ce qui permet d’atteindre la neutralité carbone en 2050 (notre Plan Climat en témoigne), ce critère ne peut être le seul à peser dans la décision. Nous rappelons qu’un réseau de transports en commun est d’abord fait… pour transporter des personnes ! Et le maximum de personnes. Aujourd’hui nous savons que le réseau SIBRA est attractif pour les publics captifs de ce mode de transport (enfants, jeunes, personnes âgées), mais assez peu pour les actifs. L’enjeu du nouveau réseau de transports c’est évidemment d’attirer cette clientèle qui aujourd’hui utilise la voiture au quotidien, notamment pour aller travailler. Or, la densité d’entreprises n’est pas la plus élevée sur les bords du lac… Croit-on sincèrement que nous allons produire une révolution en matière de mobilités en laissant les gens aller au travail en voiture, et prendre le tram uniquement le week-end estivaux pour aller à la plage ? Les transports en commun doivent se substituer à la voiture dans toutes nos activités, donc le critère du dynamisme économique et de la présence de salariés ne peut être ignoré, que ces salariés travaillent dans le public ou le privé. De la même façon, les centres d’attractions de population (centres commerciaux, lycées, théâtres…) doivent également peser dans le choix pour espérer le véritable basculement vers les mobilités propres souhaité par tous. 

Nous rappelons aussi, et c’est loin d'être anecdotique, que les entreprises payent aujourd'hui via le versement mobilité 75% du coût réel des transports (le prix des tickets et abonnements ne comptant que pour 25%). Nous considérons donc légitime la demande des entreprises, face à cette taxe, d’avoir le service correspondant. Ce point plaide plutôt pour assurer en priorité une desserte des zones d’activités, plutôt que les bords du lac en priorité.


Aujourd’hui, comme la quasi-unanimité des maires du territoire (à l’exception notable de celui d’Annecy), nous pensons que c’est l’ensemble de notre territoire qui doit connaître un choc d’offre sur les transports en commun et que ce choc d’offre passe par le déploiement de lignes de BHNS intégralement en sites propres, abandonnant ainsi l’idée du tram (plus coûteux en investissement et en fonctionnement). Pourquoi ?

1 - Les futures concentrations de population (et donc de déplacements) se feront à l’Est, au Nord et à l’Ouest, pas au Sud (les bords du lac).

Toutes les entrées d’Annecy sont aujourd’hui bouchées, notamment aux heures de pointe. Il faut donc traiter un maximum d’axes, sur les 5 que comprend le schéma d’étoile. Or, on sait que le coût de réalisation des 5 branches en tram est financièrement intenable. Seul le BHNS peut le permettre à l’horizon de 10 ans. Dire qu’un axe serait prioritaire (sur le critère des bouchons) par rapport aux autres est assez loin de la réalité. Or ces bouchons génèrent de la pollution et, nonobstant nos réserves de tout à l’heure sur le mode de calcul des réductions de GES, il apparaît assez logique que plus nous serons en capacité de couvrir le territoire en moyens de transports efficients, plus nous réduirons la pollution. A notre avis, 5 voies de BHNS sont bien plus profitables à la population et à l’environnement qu’une seule voie de tram

2 - Les nuisances et les travaux

La création d’un tram génère de gros travaux pour la pose des rails, caténaires et autres. C’est long, et généralement les commerces et les riverains finissent par se lasser des nuisances, voire par mettre la clef sous la porte. Certes, cela ne dure que le temps des travaux, mais ils concernent souvent des périodes de plusieurs années, sans parler des nuisances sonores dans les virages et aux aiguillages qui existent bel et bien… L’avantage du BHNS est qu’il peut être réalisé plus rapidement (il suffit d’un enrobé) et génère moins de nuisances sonores et de désagréments lors de sa réalisation mais aussi lors de son exploitation. Il coûte aussi deux fois moins cher… Avec une même enveloppe budgétaire on peut donc en faire deux fois plus !

3 - La difficulté de l’accès aux hauts d’Annecy-le-Vieux (Campus et Glaisins)

Plusieurs ingénieurs nous alertent sur l’impossibilité de faire monter un tram, en ligne droite sur les hauts d’Annecy-le-Vieux à cause de la pente du terrain. il faudrait donc faire un virage (donc acquérir plus de foncier, plus de kilomètres d’investissements pour un trajet plus long)... Là encore le BHNS en site propre intégral n’a pas cette difficulté et réduirait donc le temps de parcours entre le centre-ville et le campus !

4 - Le coût de fonctionnement

On peut se dire que l'investissement c’est un coût d’une seule fois, c’est vrai. Mais le coût du fonctionnement lui est récurrent, chaque jour il faut payer les carburants, faire la maintenance, payer les agents… Et là encore les deux études sont concordantes : un tram à l’usage coûte deux fois plus cher qu’un BHNS pour une qualité de service quasiment identique ! La raison, une fois les paillettes envolées, voudrait que nous soyons économes avec l’argent public, non ?

5 - La fausse-bonne idée solution mixte tram/BHNS 

Alors certains nous disent qu’on pourrait faire une solution mixte : quelques lignes de tram et le reste en BHNS. Pourquoi pas, mais cette solution entraîne également un doublement des frais de structure ! En effet, dès lors où l’on construirait un tram, il faut réaliser un dépôt pour les services de maintenance. Quiconque a visité les dépôts des trams de villes comme Clermont ou Grenoble peut s’imaginer l’immensité de ces bâtiments qui représentent plusieurs milliers de mètres carrés. Où le mettre, surtout si on ne fait qu’une ligne entre Annecy et Duingt ? À Duingt ? À Annecy ? À Saint Jorioz ? L’installation d’un tel équipement risque de poser quelques difficultés urbanistiques… Si nous proposons un réseau mixte (BHNS et Tram), il faudra donc deux dépôts : un pour le tram, un pour le BHNS (qui existe déjà en partie à Vovray) ; donc deux équipes ; donc des fournisseurs différents, des savoir-faire différents, etc. Nous sommes extrêmement réservés sur cette solution car elle risque rapidement de faire exploser les budgets de fonctionnement et donc de mettre un terme à tout investissement futur. 


Voilà pourquoi aujourd’hui, après analyse fine des pour et des contre, il nous apparaît raisonnable pour les 15 ans à venir, et efficace par rapport à la qualité de service et à la réduction de la pollution, de partir sur une solution 100% BHNS en sites propres intégraux. C’est moins cher (en investissements et à l’usage), plus rapide à réaliser, avec des technologies plus innovantes et moins polluantes, cela permet de couvrir plus rapidement tous les grands axes du territoire (évitant ainsi la rupture d’égalité) et c’est une avancée majeure pour les usagers et un gain exceptionnel pour l’environnement. On sait aujourd’hui faire des BHNS qui sont aussi confortables que des Trams, qui ont presque la même forme, la même facilité d'usage. Une fois que ce réseau sera sorti de terre,  rien n’empêchera dans 20 ans les futurs élus, si le besoin s’en faisait vraiment sentir, de convertir ce réseau en tram (la collectivité sera déjà propriétaire des voies en site propre). 

D’ailleurs s’il fallait un dernier argument, à notre connaissance, aucune ville et aucune agglomération de France ne s’est lancée dans la réalisation d’un nouveau réseau de tram depuis 10 ans. Oui il y a des chantiers d’extension de réseaux existants. Mais ceux qui font comme nous, les collectivités qui créent un réseau, le font en BHNS. Certains se pensent sûrement plus malins que les autres… mais nous, “Les Annéciens” nous méfions beaucoup de ce genre d’argument !


Le mouvement “Les Annéciens”

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